Les eurodéputés ont eu aujourd'hui une occasion en or de défendre les consommateurs européens. Fort d'une solide majorité, le Parlement a failli faire tomber la Commission.
Manifestant clairement sa désapprobation, le Parlement Européen a rejeté le projet de la Commission Européenne de renommer les produits du Sahara Occidental occupé en les faisant apparaître comme provenant de « régions » marocaines. Une large majorité a voté contre la proposition, mais à un cheveu le vote n'a pas permis de la bloquer formellement.
La Commission tente, de manière controversée, de contourner des arrêts antérieurs de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE).
Le vote d'aujourd'hui portait sur l'opposition du Parlement à la proposition de modification, par la Commission, du règlement délégué (UE) 2023/2429 relatif à l'étiquetage d'origine des fruits et légumes du Sahara Occidental. Plus précisément, la Commission avait proposé, en octobre 2025, d'utiliser les noms des régions administratives que le Maroc a unilatéralement imposés au territoire sur lequel il n'exerce aucune souveraineté, soit Laâyoune-Sakia El Hamra et Dakhla-Oued Eddahab. Ces divisions territoriales ne sont reconnues ni par l'ONU, ni par l'UE, ni par la Cour de justice de l'UE.
Cette mesure intervient malgré un arrêt clair de la Cour de justice de l'UE stipulant que les produits provenant du Sahara Occidental doivent être étiquetés comme tels et ne peuvent être désignés par des appellations territoriales marocaines.
Les propositions du PPE et du PfE ont été rejetées de justesse. Un seul parlementaire de plus en faveur de la proposition du PPE aurait suffi à rejeter le règlement délégué. La motion nécessitait 360 voix pour être adoptée.
Or, seuls 359 parlementaires ont voté pour, 188 ont voté contre et 76 se sont abstenus.
La motion du PfE a recueilli 465 objections, 157 votes pour et 20 abstentions.
« La motion du PPE a été rejetée à une voix près, mais le message politique est on ne peut plus clair : une large majorité de députés européens a rejeté la manœuvre de la Commission visant à adapter les règles de l’UE au profit du Maroc et a défendu le droit européen, les droits des consommateurs et les agriculteurs européens. Le fait que des motions aient été déposées par des groupes politiques généralement plus proches de Rabat est révélateur d’un changement de cap », déclare Sara Eyckmans de Western Sahara Resource Watch.
« Il s’agit d’un revers important pour le Maroc en matière de lobbying et d’un signal fort pour les batailles à venir : la légalité – et les moyens de subsistance des agriculteurs européens – sont enfin de nouveau au cœur des décisions parlementaires. Les députés européens français, espagnols et italiens qui ont voté contre ou se sont abstenus devront répondre à de sérieuses questions de la part de leurs électeurs ruraux.»
Lors de la réunion de la commission de l’agriculture du Parlement européen la semaine dernière, la Commission a ouvertement admis que la notion de « région d’origine » était « le fruit de négociations avec le Maroc » et ne pouvait fournir aucune base juridique pour s’écarter de la jurisprudence établie de la CJUE et des règles de commercialisation de l’UE. Des eurodéputés de tous bords politiques ont vivement critiqué cette proposition.
Deux objections ont été déposées – l’une par le PPE et l’autre par PfE - arguant que la proposition de la Commission violait le droit de l’UE, induisait les consommateurs en erreur et résultait de négociations avec le Maroc plutôt que d’une nécessité juridique.
Bien que ces objections aient recueilli des soutiens, la majorité requise n’a pas été atteinte. Ce résultat ne discrédite pas les préoccupations de fond soulevées lors des débats en commission AGRI :
Bien que le Parlement n’ait pas bloqué l’acte délégué, le débat a révélé une inquiétude transpartisane sans précédent quant à la légalité de la proposition et sa conformité avec les arrêts de la CJUE. Il est donc peu probable que cette décision mette fin à la question, tant sur le plan institutionnel que juridique.
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